
Actualité & chiffres
Revue de presse
Quelques articles de presse et podcasts traitant des violences physiques, psychiques et sexuelles en Suisse
Le harcèlement sexuel de chirurgiens tout-puissants dans les hôpitaux romands
[article + vidéo] RTS • 02/02/2025
Une nouvelle consultation médico-légale pour adultes victimes de violences aux HUG
[article] HUG • 23/01/2025
Près de 60% des étudiantes ont déjà été victimes de harcèlement
[article] 20 Minutes • 16/01/2025
Viols par soumission chimique : des témoignages brisent le silence en Suisse romande
[article + vidéo] RTS • 17/01/2025
Lausanne se lance dans un partenariat pour la sécurité des femmes
[article] 20 Minutes • 08/01/2025
Viols de Mazan : le verdict vu par quatre politiques romands
[article] Blick • 19/12/2024
Le « stalking » sera inscrit dans le code pénal suisse
[article] Swissinfo • 16/12/2024
Manque criant de suivi des auteurs de violences domestiques
[article] 20 Minutes • 12/12/2024
Viol : le difficile parcours des victimes vers la reconstruction
[article + vidéo] RTS • 08/12/2024
Le harcèlement sexuel reste très répandu dans le monde du travail en Suisse
[article + vidéo] RTS • 03/12/2024
Féminicide : Thérèse Meyer-Kaelin : « Il ne faut pas attendre le drame »
[article + vidéo] Frapp • 25/11/2024
Voici ce qui « ferait la différence » contre la violence envers les femmes
[article] Watson • 25/11/2024
La Confédération veut lutter contre la violence contre les femmes
[article] Swissinfo • 25/11/2024
Les dénonciations pour injures explosent
[article] 20 Minutes • 24/11/2024
Des milliers de personnes ont manifesté à Berne contre les violences faites aux femmes
[article + vidéos] RTS • 23/11/2024
Une faille dans la loi permet à la pédocriminalité de prospérer
[article] 20 Minutes • 22/11/2024
Lutte contre le harcèlement dans les milieux culturels, où en est-on ?
[article] RTS • 15/11/2024
Prévention à Genève : « Finissons-en avec les violences sexistes et sexuelles »
[article] Tribune de Genève • 11/11/2024
Un enfant sur cinq est victime de violence psychologique
[article] 20 Minutes • 04/11/2024
Le viol moins durement sanctionné que le trafic de drogue
[article] 20 Minutes • 03/11/2024
La sérialité, une notion juridique cruciale dans les affaires de viols
[article + vidéo] RTS • 01/11/2024
Soumission chimique : « On ne recherche pas le corps mort mais le corps disponible »
[article] Tribune de Genève • 24/10/2024
Abusé par un éducateur, ce Valaisan témoigne : « Ce n’est pas à moi d’avoir honte »
[article] Blick • 23/10/2024
Violences faites aux femmes : une campagne pour sensibiliser en ville de Fribourg
[article] La Liberté • 21/10/2024
Le Tribunal fédéral précise que la durée d’un viol n’est pas une circonstance atténuante
[article + vidéo] RTS • 15/10/2024
Violences sexistes : « Les hommes doivent comprendre qu'ils font partie de la solution »
[article] Blick • 19/10/2024
Face au phénomène des « nudes », la police fait de la prévention auprès des ados
[article + vidéo] RTS • 10/10/2024
Vers la fin de la prescription pour les abus sexuels sur mineurs
[article] 20 Minutes • 07/10/2024
Violence domestique en Suisse : la situation ne s’améliore pas
[article] 20 Minutes • 01/10/2024
La soumission chimique se passe en majorité avec des proches
[article] RTS • 19/09/2024
✪ Soumission chimique : sous le voile de l’inconscience
[article] Victime pas seule • 18/09/2024
[lettre ouverte] Victime pas seule • 15/09/2024
Des concepts de protection contre les abus demandés aux organisations travaillant avec des enfants
[article + vidéos] RTS • 12/09/2024
✪ Quand le contrôle coercitif remplace l’amour
[article] Victime pas seule • 05/09/2024
✪ Soulager les symptômes post-traumatiques
[article] Victime pas seule • 27/08/2024
Près de 200 victimes de traite d'êtres humains en Suisse l’année passée
[article] RTS • 30/07/2024
Ne plus prendre en compte la durée d’un viol ? L’idée divise
[article] Le Matin • 21/07/2024
Nouvelle définition du viol : voici ce qui va changer dès lundi en Suisse
[article] Watson • 30/06/2024
[éditorial] Arc Info • 28/06/2024
Genève présente un plan pour lutter contre les violences domestiques, au plus haut depuis 10 ans
[article + vidéos] RTS • 27/06/2024
Ils ne sont pas prêts pour la nouvelle loi sur le viol
[article] 20 Minutes • 25/06/2024
Les hommes représentent un tiers des victimes de violences conjugales
[article + vidéo] RTS • 19/06/2024
Politique criminelle : l’aide aux victimes parmi les priorités
[article] 20 Minutes • 24/06/2024
Police Nyon Région agit contre le harcèlement de rue
[article] 24 Heures • 14/06/2024
Violences sexuelles : La justice fribourgeoise est-elle morte ?
[article] Blick • 14/06/2024
Police : quatre interventions par jour pour violences conjugales
[article] 20 Minutes • 13/06/2024
Leur mission : accompagner les victimes lors des audiences
[article] 20 Minutes • 12/06/2024
[éditorial] Le Temps • 07/06/2024
Le « stalking », ou le harcèlement obsessionnel, pourrait bientôt être puni de trois ans de prison
[article + vidéos] RTS • 06/06/2024
Viol : ne pas porter secours doit être punissable
[article] Le Matin • 28/05/2024
[article] Le Nouvelliste • 21/05/2024
Féminicides chez les seniors : « Mon mari a mis son oreiller sur ma tête »
[article + vidéo] 20 Minutes • 06/05/2024
Mon enfant est-il victime d’abus sexuel ?
[article] 20 Minutes • 03/05/2024
[article + audio] 20 Minutes • 03/05/2024
Tous les profs formés en ligne pour repérer le harcèlement
[article] 20 Minutes • 25/03/2024
Vols, violence, viols, arnaques : un bilan 2023 peu réjouissant
[article] 20 Minutes • 25/03/2024
Des élèves vaudois dénoncent le harcèlement scolaire dont ils sont victimes
[article + vidéos] RTS • 22/03/2024
Triste record de viols sauvages à Genève
[article] Blue News • 12/03/2024
Subir l’inceste… et confronter ses frères
[podcast] Le Temps • 06/03/2024
Le canton de Vaud veut mieux informer les migrantes victimes de violences domestiques
[article] RTS • 26/02/2024
Les cantons ont versé 181 millions pour l’aide aux victimes
[article] Blue News • 19/02/2024
Genève va tester un bracelet électronique géolocalisable pour lutter contre les violences conjugales
[article] Le Temps • 18/02/2024
Les cas de maltraitance envers les enfants ne cessent d’augmenter
[article] 20 Minutes • 02/02/2024
Briser le tabou de l’inceste pour pouvoir se reconstruire
[article + vidéo] RTS • 29/01/2024
La sensibilisation aux comportements lourdingues se poursuit
[article] Blue News • 29/01/2024
Agressions sexuelles : des hôpitaux lancent une vaste étude
[article] 20 Minutes • 16/01/2024
Quand l’école fait mal : libérer la parole pour mettre fin aux harcèlements
[article + videos] RTS • 09/01/2024
Féminicides : Qui sont ces hommes qui tuent des femmes ?
[article] Watson • 07/01/2024
Le harcèlement scolaire continue à faire des ravages : des parents témoignent
[article] GHI • 26/12/2023
Violence au sein du couple : les atteintes physiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg
[article + vidéos] RTS • 23/12/2023
Cyberharcèlement : vers une inscription dans le Code pénal
[article + audio + vidéo] RTS • 22/12/2023
Le viol n’est pas affaire de sexualité
[lettre du jour] Tribune de Genève • 18/12/2023
Une campagne lancée pour prévenir les violences au sein des couples seniors
[article] RTS • 15/12/2023
[lettre du jour] Tribune de Genève • 07/12/2023
Géraldine Savary : « 11 minutes de viol, ce n’est pas la durée qui compte »
[article] Femina • 06/12/2023
Polémique autour d’un arrêt du TF qui parle d’un viol de « courte durée »
[article + videos] LFM • 25/11/2023
Manifestations contre les violences faites aux femmes
[article] LFM • 25/11/2023
Violences conjugales : ces Suissesses « disparaissent des radars »
[article] Watson • 25/11/2023
Lancement de la campagne « Amoureux.se » : pour des relations de couple saines chez les jeunes
[communiqué de presse] État de Vaud • 24/11/2023
Violences domestiques : 88 % des victimes sont des femmes
[article] 20 Minutes • 24/11/2023
Le harcèlement est une préoccupation majeure pour les enfants
[article + audio] RTS • 19/11/2023
Les violences sexuelles n’ont jamais été aussi nombreuses
[article] Le Matin • 14/11/2023
✪ Violences au sein de la famille : comment en parler aux enfants ?
[article] Victime pas seule • 01/11/2023
Droit pénal en matière sexuelle : « La probabilité d’être reconnue comme victime est faible »
[article] 24 Heures & Tribune de Genève • 18/10/2023
La Suisse mal équipée face à la tragédie de l'inceste
[article] RTS • 17/10/2023
Le personnel des pharmacies genevoises formé pour identifier les victimes de violences domestiques
[article] RTS • 16/10/2023
Mieux protéger les enfants contre la violence
[article] 24 Heures • 11/10/2023
Un programme destiné aux jeunes pour prévenir la violence dans le couple !
[audio] RTS • 09/10/2023
✪ Féminisme et droit pénal sexuel : une perspective pour repenser les pratiques judiciaires
[article] Victime pas seule • 02/10/2023
Guichet : la violence psychologique au sein du couple
[audio] RTS • 26/09/2023
YADEBAT : Violences dans le couple : de l’amour à l’enfer
[vidéo] RTS • 20/09/2023
Les hommes représentent un tiers des victimes de violences conjugales
[article + vidéo] RTS • 28/08/2023
Le Conseil fédéral veut inscrire l'éducation sans violence dans la loi
[article] RTS • 23/08/2023
Le féminicide n’est pas une infraction pénale en Suisse
[article] Watson • 09/07/2023
Les violences domestiques sont en hausse dans le canton de Genève
[article] RTS • 27/06/2023
[article] Victime pas seule • 15/06/2022
À quoi sert une unité de médecine des violences ?
[audio] RTS • 08/06/2023
✪ Comment se protéger et se défendre d’une agression ?
[article] Victime pas seule • 15/03/2023
✪ Relations toxiques et phénomènes d’emprise
[article] Victime pas seule • 17/11/2022
✪ Violences sexuelles, sidération et stress post-traumatique
[article] Victime pas seule • 26/10/2022
Les clés d’une ancienne victime pour comprendre les méandres de la justice
[article] Le Temps • 27/09/2022
✪ Les violences en milieu scolaire
[article] Victime pas seule • 16/09/2022
✪ La Suisse redéfinit les violences sexuelles
[article] Victime pas seule • 07/07/2022
✪ Quand les victimes souffrent une deuxième fois
[article] Victime pas seule • 16/06/2022
✪ Violence domestique : un geste à (re)connaître
[article] Victime pas seule • 31/05/2022
Violence sexuelle: seul un oui est un oui ?
[vidéo] RTS • 18/05/2022
Genève sensibilise aux violences familiales liées à l'orientation sexuelle
[article] RTS • 17/05/2022
✪ Humour, flirt, compliment, où commence le harcèlement sexuel ?
[article] Victime pas seule • 09/04/2022
La violence sexuelle au sein du couple
[audio] RTS • 01/10/2021
Quel traitement pénal pour les violences sexuelles ?
[audio] RTS • 19/11/2020
L’affaire des viols collectifs de Pré-Naville : vers une prise de conscience des violences sexuelles ?
[audio] RTS • 01/07/2020
Violences sexuelles en Suisse
Révision du droit pénal sur les infractions sexuelles
Un avant-projet de révision du droit pénal fédéral en matière sexuelle est mis en consultation auprès du Parlement du 1er février au 10 mai 2021. Il y est notamment question de la notion de consentement, et non plus uniquement de contrainte : « sans le consentement » (ne pas avoir dit oui) ou « contre la volonté » (avoir dit non) sont les deux variantes qui sont discutées (voir entretien ci-dessous).
En 2021, alors que douze pays en Europe reconnaissent un rapport sexuel non consenti comme un viol, la Suisse, qui a pourtant ratifié la Convention d’Istanbul en 2013 (pour une entrée en vigueur le 1er avril 2018), n’a pas encore adapté sa loi en matière de violences sexuelles. Ainsi, certains actes sexuels commis contre la volonté de la personne qui les subit ne sont aujourd’hui pas considérés comme des viols et sont donc passibles d’une peine nettement bien moindre, alors que le traumatisme engendré est reconnu comme comparable.
Le 12 avril 2022, Amnesty International (Suisse) publie le résultat d’une enquête sur le sujet : la majorité de la population de notre pays est favorable à la solution du consentement (« seul un oui est un oui »).
Le 18 mai 2022, la RTS diffuse un débat sur le sujet.
Le 7 juin 2022, le Conseil des États adopte une modification de la loi sur les infractions sexuelles. Sera désormais considéré comme un viol toute pénétration (qu’elle soit vaginale, anale ou orale) infligée à une femme ou à un homme, sans son consentement. La notion de contrainte est également abandonnée. Enfin, la variante la plus légère, dite du refus (non, c’est non), a été préférée à celle du consentement (seul un oui est un oui).
Le 1er juin 2023, le National se rallie au Conseil des États et entérine la modification de la loi sur les infractions sexuelles dans sa variante « non, c’est non », avec toutefois la prise en compte de l'état de sidération.
Le 1er juillet 2024, la nouvelle loi entre en vigueur.
Retrouvez tous les enjeux de cette révision dans cet article publié sur le blog.
Quelques chiffres
En 2023, la Police suisse a enregistré 8’523 infractions contre l’intégrité sexuelle, soit une diminution par rapport aux 9’196 cas signalés en 2022 (source). Parmi ces infractions, 4’447 personnes lésées ont été recensées, dont une très large majorité de femmes (source).
En 2023, les centres d’aide aux victimes (LAVI) ont effectué 49’055 consultations, en augmentation par rapport aux 46’542 de l’année précédente. Parmi ces consultations, 13,2% concernaient des cas de viol ou de contrainte sexuelle, soit une légère hausse par rapport aux 12,6% de 2022 (source).
Ces données indiquent que, bien que le nombre total d'infractions contre l’intégrité sexuelle dénoncées auprès des autorités ait diminué, la proportion de consultations liées au viol ou à la contrainte sexuelle a légèrement augmenté. Cela suggère que de nombreuses victimes continuent de ne pas signaler ces infractions à la Police, préférant se tourner vers des centres d’aide spécialisés.
Aide aux victimes LAVI
En chiffres (toute la Suisse)
2022 | 2021 | |
---|---|---|
CONSULTATIONS | ||
→ Total | 46’542 | 44’633 |
INFRACTION(S) SUBIE(S) | ||
→ Homicide | 568 | 574 |
→ Tentative d’homicide | 473 | 441 |
→ Lésions corporelles et voies de fait | 21’599 | 20’438 |
→ Extorsion et chantage, menace, contrainte | 15’262 | 14’541 |
→ Brigandage | 603 | 534 |
→ Autres infractions contre la liberté | 683 | 725 |
→ Actes d’ordre sexuel avec des enfants | 5’389 | 5’475 |
→ Actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes | 615 | 573 |
→ Contrainte sexuelle, viol | 5’859 | 5’545 |
→ Autres infractions contre l’intégrité sexuelle | 2’463 | 2’181 |
→ Enlèvement de mineur | 110 | 124 |
→ Propagation d’une maladie de l’homme | 27 | 24 |
→ Prostitution | 134 | 140 |
→ Traite d’êtres humains | 264 | 271 |
→ Autres infractions selon le CP | 757 | 858 |
→ Circulation routière : homicides | 166 | 180 |
→ Circulation routière : lésions corporelles | 2’301 | 2’062 |
Violences sexuelles : un regard socio-juridique
Droit des victimes et prise en charge
Questions/réponses
Entretien avec Cécile Greset, collaboratrice scientifique et doctorante à l’Institut des études genre à Genève | mars 2022.
Comment la prise en charge des violences sexuelles entre personnes ayant plus de seize ans évolue-t-elle en Suisse ?
À partir des années septante, les mouvements féministes se sont plus largement emparés des questions sexuelles, en France et aux États-Unis notamment, mais cela a bien évidemment eu un impact en Suisse également. Parallèlement, la justice pénale a peu évolué et les violences sexuelles ne sont pas toujours prises en charge de manière adéquate, en raison notamment de son fonctionnement même (découpage, individualisation et décontextualisation des actes commis) et des biais que les acteurs et les actrices de la justice peuvent avoir (représentations biaisée de la sexualité hétérosexuelle, biais de genre, de classe, etc.), dont ils ne sont pas toujours conscient·e·s. La justice n’est pas neutre, elle est exercée par des individus, qui s’inscrivent dans un contexte socio-historique et politique spécifique. Des mouvements comme #MeToo ont eu un impact, selon moi, bien plus important sur les personnes victimes, qui ont pu enfin se sentir entendues, plutôt que sur la justice elle-même.
Une réforme législative portant notamment sur les art. 189 (contrainte sexuelle) et 190 (viol) est actuellement en cours (la révision de législation a été adoptée le 7 juin 2022 par le Conseil des États – plus d’informations dans cet article –, puis le 1er juin 2023 par le National, sous la forme « non, c’est non », mais avec la prise en compte de l’état de sidération, ndr). Au cœur des débats, la notion de consentement (et non plus uniquement de contrainte), avec deux variantes proposées : contre la volonté (« non, c’est non ») ou sans le consentement (« oui, c’est oui »). L’idée est que, dans le premier cas de figure, on attend de la personne victime qu’elle réagisse, en exprimant son refus si elle ne désire pas un acte sexuel (à défaut, le consentement est présumé). Dans le second, l’attention porterait moins sur le comportement de la personne victime, mais davantage sur celui du prévenu, qui doit alors se préoccuper de l’existence du consentement de l’autre personne (à défaut, les rapports sexuels constituent une atteinte). La solution du « non, c’est non » semble l’emporter au sein des débats législatifs (c’est en effet la variante qui a été retenue en 2023, ndr).
La condition de la contrainte telle qu’elle est définie jusqu’à présent, nécessaire pour qu’il y ait infraction, est interprétée de manière très restreinte, résulte d’une vision limitée d’en quoi peut consister la violence et ne permet pas de rendre compte de la majorité des expériences vécues par les personnes victimes. En effet, elle ne tient pas compte de la dimension structurelle des rapports de domination et de pouvoir existant au sein de notre société, face auxquels les personnes ne sont pas toutes à égalité pour exprimer leur consentement ou leur refus, ce qui crée des conditions favorables à la perpétuation des violences sexuelles.
« La révision de la loi sur les violences sexuelles témoigne d’une volonté de mieux prendre en compte des éléments comme l’état de sidération. Une vision plus large de la contrainte s’avère nécessaire pour une meilleure compréhension de ces violences. »
Dans le cas d’une personne qui dit non, mais finit par céder, la contrainte exercée peut ne pas l’être de manière violente, mais elle est là quand même, ce que la législation actuelle ne reconnaît pas. Par exemple, aucune menace n’est dite ou aucune violence physique n’est commise, mais la situation de dépendance financière et/ou administrative, affective ou encore hiérarchique ou d’autorité médicale dans laquelle la personne se trouve fait qu’elle est dans l’incapacité de pouvoir véritablement exprimer librement son désir ou qu’elle préférera sauvegarder son intégrité physique plutôt que sexuelle. La révision de la loi sur les violences sexuelles témoigne d’une volonté de mieux prendre en compte des éléments comme l’état de sidération, mais cela reste dans le domaine de la psychologie. Une vision plus large (circonstancielle et structurelle) de la contrainte s’avère nécessaire pour une meilleure compréhension de ces violences.
La réforme prévoit aussi de considérer comme un viol toute pénétration (vaginale, anale ou orale) imposée à une femme ou à un homme, et non plus uniquement la pénétration vaginale d’une femme par un homme.
Que peut attendre une victime de violences sexuelles d’une procédure pénale ?
Il est essentiel de comprendre que la justice pénale n’est pas organisée pour les personnes victimes. Une victime dénonce une infraction et peut, grâce à son témoignage, contribuer à en faire condamner l’auteur. Mais du début à la fin, la procédure pénale est centrée sur la personne prévenue, dont la condamnation, si elle est reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés, est censée représenter un intérêt pour la société. La justice pénale se joue entre la personne prévenue et la société (représentée par le Ministère public), mais pas entre la personne prévenue et la victime.
Une victime qui entame une procédure pénale dans le but d’être reconnue en tant que telle peut voir ses attentes terriblement déçues. L’un des rôles de la LAVI est d’apporter cette reconnaissance aux personnes qui ont subi des violences, en leur octroyant le statut de victimes (et les droits qui vont avec). Il est donc vivement conseillé aux personnes victimes de violences de consulter un centre LAVI avant d’entamer une procédure pénale. Si la LAVI croit d’office les victimes, la justice pénale (et c’est dans un sens cohérent avec la manière dont elle fonctionne actuellement) doute du récit de la personne victime, questionne sa crédibilité, dans le but d’objectiver ce récit (une objectivation qui passe par des critères assez restrictifs et qui pose des questions complexes, notamment lorsqu’il s’agit de la parole de l’un·e contre la parole de l’autre et suivant les personnes qui incarnent cette parole).
« La justice pénale se joue entre la personne prévenue et la société (représentée par le Ministère public), mais pas entre la personne prévenue et la victime. »
La peur de ne pas être crue est bien présente et peut être un frein dans le lancement d’une procédure pénale. La prise en charge des violences sexuelles est complexe et ne doit d’ailleurs pas être qu’une affaire de justice pénale, mais aussi de société. Pour une personne victime, le fait que la vérité judiciaire et la vérité factuelle puissent ne pas correspondre est difficile et frustrant. La justice pénale peut condamner une personne qui s’est rendue coupable d’une infraction, mais elle peut également l’acquitter, au bénéfice du doute ou par manque de preuves. Cette seconde issue peut être très mal vécue par la personne victime, qui n’aura alors peut-être pas trouvé la reconnaissance revendiquée. Il est aussi intéressant de remarquer que la justice pénale tente souvent de rassurer les personnes victimes en disant que la vérité judiciaire ne correspond pas forcément à la réalité vécue. Toutefois, il me semble que la justice à un tel effet d’autorité sur les individus que cette vérité a tendance à devenir « la » vérité. Ce glissement me paraît assez problématique, car il impacte non seulement les parties, mais aussi la société, par exemple, sur quel comportement relève ou ne relève pas d’une agression sexuelle et sur le sentiment de culpabilité que peut ressentir une personne victime.
La justice restaurative et la justice transformative peuvent être des outils précieux pour les personnes victimes, mais aussi pour les auteurs de violences, en permettant aux unes comme aux autres de se réapproprier leur conflit et les conditions de leur résolution. À la faveur d’une médiation, pour autant que les deux parties acceptent d’y prendre part et de s’y investir pleinement, la personne qui a commis les violences est invitée à mener une réflexion sur ce qui s’est passé. Ce processus peut l’amener à se transformer et la personne victime peut se sentir reconnue et écoutée s’agissant de ses besoins. Ce travail d’identification et de compréhension des actes de violences, qui nécessite parfois de partir de très loin, doit permettre à l’auteur de se remettre en question tout en offrant à la victime la possibilité de se reconstruire. Toutefois, ce type de justice fonctionne particulièrement bien dans le cadre d’une communauté, lorsque les personnes impliquées dans un conflit ont un intérêt commun à ce que celui-ci soit réglé, afin de ne pas être mises à l’écart du collectif dont elles font partie. Mais dans une société plutôt individualiste telle que la nôtre, cette « pression » est moindre et l’intérêt pour ce type de justice, dans le cadre des violences sexuelles, est encore peu présent. Aussi parce qu’il peut représenter un investissement très/trop important de la part de la personne victime, sans garantie de résultat.
Les individus ne sont pas, selon moi, méchants ou mauvais par nature. Les faits ne sont pas neutres et les personnes se situent dans des contextes sociaux et politiques qui favorisent certains comportements. Comprendre ce qui s’est passé est essentiel pour que l’auteur des violences puisse se considérer comme tel et modifier son comportement (a contrario, dans le cadre d’un processus purement pénal, un auteur de violences peut être condamné pour ses actes sans jamais avoir véritablement compris ce qui s’est passé, voire ressentir un sentiment d’injustice, ou être acquitté et penser qu’il n’a rien fait de mal, ce qui ne mène pas à grand-chose). En s’efforçant de réhabiliter la victime et de transformer l’auteur des violences, la justice restaurative et la justice transformative cherchent à avoir un impact direct et important sur la société en général, avec une profonde volonté de « réparer » ce qui s’est passé, de réparer le lien ou la relation.
Comment la Justice pourrait-elle mieux prendre en charge les victimes de violences sexuelles ?
Je pense qu’il est essentiel que tous les acteurs et les actrices de la justice puissent porter un regard plus structurel sur les infractions sexuelles et sur les rapports de domination et de pouvoir qui les engendrent. Prendre du recul sur leur pratique et identifier les biais qui les traversent (notamment au niveau du genre, des représentations de la sexualité hétérosexuelle ou de la manière de percevoir une personne victime ou un auteur) peut également contribuer à un meilleur exercice de la Justice. Une bonne prise en compte des aspects sociologiques permet de mieux comprendre le contexte global qui entoure les faits de violences sexuelles et assurerait une prise en charge plus complexe de ces infractions.
« Les aspects sociologiques et structurels représentent les véritables enjeux pour comprendre les infractions, notamment sexuelles, qui ne sont pas les faits d’individus isolés, mais bien plutôt de conditions sociétales favorisant la perpétuation massive de telles violences. »
Des formations en criminologie et en victimologie sont proposées aux magistrat·e·s, sans obligation de les suivre. Mais selon moi, ces deux domaines restent des éléments psychologisants et ne sont pas les seules clés pour appréhender ces violences ainsi que la personne victime et l’auteur. Les aspects sociologiques et structurels représentent les véritables enjeux pour comprendre les infractions, notamment sexuelles, qui ne sont pas les faits d’individus isolés, mais bien plutôt de conditions sociétales, notamment de rapports de pouvoir, favorisant la perpétuation massive de telles violences. Une sensibilisation à ces questions contribuerait à rendre les méthodes et les pratiques juridiques plus justes et à une meilleure prise en charge des violences.
L’un des aspects de mon travail de recherche consistera en la réécriture de jugements. Cet exercice (purement théorique) permet d’adopter une perspective féministe tout en respectant les cadres légaux. Il s’agit d’une méthode qui existe depuis longtemps, mais qui est encore peu utilisée dans le monde francophone. En recontextualisant les faits perpétrés, par exemple, la solution juridique ne sera pas forcément différente, mais la manière dont les éléments seront formulés le sera. Cette reformulation peut s’avérer bénéfique pour la personne victime, qui se sentira mieux entendue et comprise, mais aussi pour l’auteur des violences, qui pourra peut-être mieux comprendre ce qui s’est passé et se sentir plus concerné ou responsable des faits qu’il a commis.
Vous avez eu connaissance de nombreux dossiers concernant des violences sexuelles dans le cadre de vos recherches. Quel message souhaitez-vous adresser aux personnes victimes ?
Entourez-vous un maximum (LAVI, associations d’aides aux personnes victimes, proches, personnes de confiance, conseil juridique) et renseignez-vous bien avant d’entamer des démarches judiciaires. Peut-être que passer devant la justice aura du sens pour vous, ou peut-être que votre reconstruction passera par un autre processus.
Je m’adresse également aux personnes victimes de violences qui se trouveraient sans statut légal en Suisse et qui ont souvent beaucoup à perdre à dénoncer les violences subies : vous avez tout intérêt à passer par la LAVI, qui a un devoir absolu de confidentialité, pour être conseillées sur vos possibilités d’action et qui pourra vous apporter son soutien. Si vous décidez de dénoncer les faits, elle pourra, par exemple, vous aider à régulariser votre situation le temps de la procédure, même si cela n’est de loin pas évident à obtenir.