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Comment se protéger et se défendre d’une agression ?




Qu’est-ce que la légitime défense ? De quels moyens dispose-t-on et quel comportement adopter lors d’une agression ou d’une menace d’agression ? Tour d’horizon avec Tomasz Funck, titulaire du Brevet fédéral d’agent de sécurité et de surveillance et du Concordat sur les entreprises de sécurité, formateur d’agents de sécurité privée et fondateur et exploitant, avec autorisation fédérale, d’un site spécialisé dans la vente de sprays au poivre et d’autres produits liés à la sécurité personnelle.


Légitime défense


« Le code pénal suisse, dans son Art. 15, prévoit que quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances ; le même droit appartient aux tiers », résume Tomasz Funck, qui insiste bien sur la question de la proportionnalité : « Au sommet de la pyramide se trouve la vie, puis l’intégrité physique, la liberté, l’honneur et enfin le patrimoine ». On peut donc user de la force physique ou se servir d’un spray au poivre pour repousser une tentative d’agression physique ou sexuelle, mais pas pour défendre son honneur à la suite d’une insulte. La menace d’attaque imminente doit par ailleurs être objective. « Il peut s’agir d’une personne qui initie un contact physique ou sexuel non consenti ou qui montre son intention de blesser, par sa gestuelle ou en sortant une arme ou un objet dangereux. D’autres paramètres, comme la distance, le nombre d’assaillants, le nombre de personnes ou le contexte entrent également en ligne de compte », précise-t-il. Et d’ajouter : « Dans tous les cas, la fuite, tant qu’elle est possible, reste la meilleure défense. »



Dans tous les cas, la fuite, tant qu’elle est possible, reste la meilleure défense.



Les principes de proportionnalité (bien menacé vs moyen de défense employé) et de mesure de l’adversaire (condition de la victime vs condition de l’agresseur) nous imposent de toujours utiliser le moyen de défense minimal pour repousser l’attaque et se mettre à l’abri du danger. Afin de se protéger sur le plan juridique, il faudrait tout d’abord tenter de repousser la menace verbalement (dire ‘non’ ou ‘stop’) et de fuir, puis, si la menace persiste, repousser la personne avec la main ou les bras et, si cela ne suffit pas, se défendre en portant des coups ou en utilisant un spray au poivre. « On ne peut pas sprayer un cambrioleur que l’on surprendrait dans sa maison, à moins que celui-ci ne soit menaçant. Mais dans l’immense majorité des cas, il prendrait plutôt immédiatement la fuite. Il en va de même pour les hommes un peu lourds, qui s’arrêtent généralement lorsqu’un refus leur est signifié », nous rassure le spécialiste. Quant à la notion de mesure de l’adversaire, il l’illustre ainsi : « Une personne âgée n’a pas les mêmes droits qu’un champion d’arts martiaux, par exemple. Si l’une et l’autre sont victimes d’une tentative d’agression, dans la rue, par un jeune homme de corpulence moyenne, la première pourra se défendre vigoureusement, tandis que le second devra modérer ses efforts. »


La légitime défense, comme le stipule le code pénal suisse, s’applique également aux tiers. Cela signifie qu’une personne qui assiste à une attaque imminente contre une autre personne peut intervenir afin de lui porter secours en écartant la menace. « Si deux amies sont de sortie et que l’une d’elle subit une tentative d’agression sexuelle, son amie peut sprayer l’homme qui tente de l’agresser », explique Tomasz Funck.



Lors d’une agression ou d’une tentative d’agression, victime(s) et/ou témoin(s) doivent alerter le 117 dès que possible, sans attendre que la situation ne dégénère.



En revanche, dès que la menace d’attaque imminente est passée, c’est-à-dire que la personne menaçante est neutralisée ou a pris la fuite, il n’est plus question de légitime défense. « Imaginons la situation où une femme se fait agresser dans un parking et qu’elle parvient à repousser son agresseur, qui trébuche et tombe par terre. Elle n’a alors plus le droit de sortir son spray au poivre ou de lui mettre des coups de pieds, puisqu’il s’agirait d’une défense excessive. Imaginons maintenant une autre situation, où une personne s’approche de moi dans la rue pour me mettre une claque avant de continuer son chemin. Je n’ai aucun droit d’aller lui mettre une claque à mon tour. La défense est légitime uniquement pour repousser l’attaque, mais en aucun cas pour se venger », ajoute le spécialiste. La défense excessive pourrait toutefois être excusable si la personne s’est trouvée dans un état d’excitation ou de saisissement causé par l’agression (Art. 16 CP).


Lors d’une agression ou d’une tentative d’agression, victime(s) et/ou témoin(s) doivent alerter le 117 dès que possible, sans attendre que la situation ne dégénère. « Les gens hésitent trop souvent à appeler la Police, pensant que ce n’est ‘pas assez grave’, et parfois, cela ne leur vient même pas à l’esprit », constate Tomasz Funck, pour qui cela devrait être un réflexe.



Sprays au poivre


En Suisse, l’acquisition et la détention de sprays au poivre de type OC (oléorésine de capsicum), capsaïcine et PAVA (nonivamide) sont autorisées pour les personnes de dix-huit ans et plus. Ces produits ne sont pas régulés par la loi sur les armes (LArm), mais par la loi sur les produits chimiques (LChim). On les trouve dans les commerces spécialisés (armureries, sites internet) et dans certaines pharmacies, et leur prix varie d’une vingtaine à une septantaine de francs, pour les plus sophistiqués.



Considérés comme un moyen de défense intermédiaire (entre la force physique et les armes), les sprays au poivre permettent de neutraliser l’adversaire sans engendrer de blessures ou de conséquences à moyen ou à long terme.


« Les sprays au poivre constituent un moyen de défense efficace et procurent un sentiment de sécurité », déclare Tomasz Funck, qui les conseille aux personnes, hommes comme femmes, qui se sentent vulnérables ou qui peuvent être exposées, par exemple celles qui sortent ou qui travaillent de nuit. Il met également en garde contre les articles que l’on peut trouver à l’étranger ou auprès de certains commerçants en ligne : « Les sprays de type CS – appelés aussi bombes lacrymogènes – et, plus rares, CA, CR ou CN, sont soumis à la LArm et donc strictement interdits aux particuliers sans autorisation. Quant aux articles que l’on trouve à bas prix auprès de certains discounters en ligne, ils peuvent être dangereux en raison d’une qualité parfois insuffisante. »


Illustration des différents types de pulvérisation © DR


Il existe différents types de pulvérisation, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. La pulvérisation de type brouillard (fog) permet d’atteindre le ou les agresseur(s) sans avoir besoin de viser précisément, mais avec le risque de se retrouver soi-même dans le nuage, lors d’une utilisation à l’intérieur (espace confiné) ou extérieure (vent de face). Les modèles à jet fin et les sprays en gel permettent (et requièrent) de viser plus précisément les yeux et d’ainsi gagner en efficacité. Ils permettent également de sprayer depuis une distance plus grande (jusqu’à trois à quatre mètres) et leur faible dispersion les rend particulièrement adaptés à une utilisation en intérieur, avec moins de risque pour la personne qui spraye d’être elle-même touchée. Le gel est un peu plus agressif que le jet fin. On trouve enfin des sprays en mousse (foam), dont le jet est plus large que les sprays à jet fin ou en gel, mais plus précis que les sprays de type brouillard. La mousse est plus visible que l’aérosol simple ou le gel et crée une adhérence supplémentaire sur l’adversaire.



Attention aux articles que l’on trouve à bas prix auprès de certains discounters en ligne, ils peuvent être dangereux en raison d’une qualité parfois insuffisante.



Si les sprays au poivre existent dans différents formats, certains disposent également de technologies supplémentaires, comme une alarme sonore pouvant aller jusqu’à 130 dB qui se déclenche en cas d’utilisation, des marqueurs UV qui restent visibles à la lampe UV pendant plusieurs heures à plusieurs jours, et l’on trouve même des modèles connectés qui permettent d’envoyer une alerte (appel, SMS et géolocalisation en direct) à des contacts prédéfinis. « Je recommande les modèles connectés, car ils offrent vraiment un haut niveau de protection », affirme Tomasz Funck. « Mais le plus important, c’est de choisir un modèle avec un clapet de sécurité. Cela permet d’éviter de se sprayer accidentellement en sortant l’objet de sa poche ou de son sac. » Il recommande également d’avoir son spray toujours à portée de main et de s’en saisir aussitôt que l’on sent qu’une situation peut devenir dangereuse (dans sa poche ou derrière son dos, par exemple).


Le spray au poivre connecté Plegium Smart est un modèle que Tomasz Funck recommande, car il est très complet.


Lors de l’acquisition d’un spray au poivre, il est important d’être conseillé·e par un·e spécialiste afin de choisir le dispositif le plus adapté et de recevoir informations et conseils sur son utilisation, ainsi que de respecter la date de péremption du produit. « Lorsque l’on achète un spray au poivre sur mon site, je rappelle généralement la personne pour lui prodiguer des conseils. J’explique par exemple à mes client·e·s que la distance idéale pour sprayer est de deux à trois mètres et je les encourage à faire une sommation (‘halte ou je spraye !’), afin de dissuader l’adversaire, mais aussi, en cas d’utilisation, pour se protéger juridiquement », nous explique Tomasz Funck, qui recommande, pour qui souhaite s’entraîner à l’utilisation d’un spray au poivre, d’acquérir un spray d’entraînement à l’eau, afin de se familiariser avec la manière dont la pulvérisation s’effectue. Attention également à bien se renseigner lors de la préparation d’un voyage à l’étranger, car les sprays au poivre qui sont autorisés en Suisse n’auront pas forcément leur place dans nos valises à destinations de certains pays !


« Il ne faut par ailleurs jamais sous-estimer ni surestimer les sprays au poivre », ajoute-t-il. Certaines personnes y seront plus sensibles, notamment les personnes âgées, les personnes ayant des problèmes respiratoires ou les enfants, tandis que d’autres y seront peu, voire pas sensibles, naturellement ou sous l’effet de drogues ou de l’alcool.


Enfin, il est indispensable de savoir que quelle que soit la situation dans laquelle une personne a utilisé un spray au poivre, celle-ci a une obligation d’assistance envers la personne qui a été sprayée. Après s’être mise à l’abri de la menace, elle doit immédiatement aviser le 117 (Police) et/ou le 144 (urgences médicales), surtout si les symptômes sont importants et/ou persistent.


« Avoir sur soi un spray au poivre et un bouton d’alarme offre un important sentiment de sécurité et une protection efficace en cas d’agression », résume Tomasz Funck © DR



Bouton d’alarme sonore


Plusieurs types de boutons d’alarme existent sur le marché et peuvent être utilisés comme moyens de défense, du plus simple (alarme sonore qui émet un son de 120 à 130 dB) aux plus sophistiqués (connectés, ils alertent des contacts prédéfinis). Contrairement aux sprays au poivre, les boutons d’alarme ne sont soumis à aucune réglementation spécifique et peuvent être achetés et utilisés par des personnes mineures. Si Tomasz Funck met en garde contre leur utilisation par de jeunes enfants, il les recommande pour les adolescent·e·s, à qui ils peuvent offrir une bonne protection, car très dissuasifs.


Concrètement, un bouton d’alarme est un petit objet qui peut être accroché au sac ou au porte-clé et possède une goupille qui, si elle est retirée, déclenche l’émission d’un son très puissant. S’il ne protège pas directement d’une agression, son effet dissuasif est évident, puisque l’alarme pousse l’agresseur à prendre la fuite et alerte toutes les personnes qui se trouvent à proximité.


« Avoir sur soi un spray au poivre et un bouton d’alarme offre un important sentiment de sécurité et une protection efficace en cas d’agression », résume le spécialiste.



Test anti-GHB


Tomasz Funck a développé un test à usage unique, dont la fiabilité a été validée par le laboratoire du CHUV, permettant de détecter la présence de GHB – aussi appelée drogue du violeur – dans une boisson. Il conseille à toutes les femmes d’en acheter et de les avoir sur elles lorsqu’elles sortent. Pour l’utiliser, il suffit de déposer une goutte sur chacune des deux pastilles du test et d’attendre quelques secondes. Si l’une devient bleue, il est très probable que de la drogue ait été versée dans le verre.



Ne laissez pas un inconnu vous aider. En effet, il pourrait s’agir de la personne qui a mis de la drogue dans votre boisson.



Sur son site, il formule par ailleurs des conseils à l’attention des personnes dont le test anti-GHB se serait révélé positif : « Si vous êtes avec une personne en qui vous avez confiance, demandez-lui de vous aider à rentrer chez vous. Faites néanmoins attention à qui vous faites confiance, car des statistiques indiquent que 70% des victimes connaissent leur agresseur. Si vous êtes seul·e ou avec un inconnu, allez voir la personne responsable ou le service de sécurité du lieu et demandez-lui de vous aider. Attendez pendant que l’on contacte une personne de confiance pour venir vous chercher. Ne laissez pas un inconnu vous aider. En effet, il pourrait s’agir de la personne qui a mis de la drogue dans votre boisson. Signalez l’incident à la Police dès que possible. La plupart des drogues utilisées quittent le corps très rapidement. Plus vite vous êtes testé·e, plus il est probable que la drogue soit encore dans votre organisme. Si vous craignez d’avoir été agressé·e sexuellement alors que vous avez été drogué·e, signalez-le. En cas de besoin, demandez à un·e ami·e de vous accompagner. Veillez également à vous rendre chez votre médecin ou dans une clinique/un hôpital. N’oubliez jamais le risque de maladies sexuellement transmissibles. »


Pour se protéger du GHB, on peut également utiliser des capotes à verre (drink watch ou cup condom) anti-intrusion et anti-renversement, lavables et réutilisables. À défaut, les mesures de prudence élémentaire s’imposent : ne jamais laisser son verre sans surveillance et veiller sur ses amies.



Moyens de défense interdits et dangereux


Il est strictement interdit d’utiliser des objets soumis à la LArm, qui sont réservés à la Police et à certains agents de sécurité privée. Il s’agit notamment des armes à feu, des tasers, des bâtons tactiques ou télescopiques, de certaines catégories de couteaux (à ouverture automatique, papillon ou à lancer) ou de gaz lacrymogènes (CS, CA, etc.). D’autres objets, bien qu’ils ne soient pas réglementés, peuvent également être séquestrés préventivement par la Police s’ils sont considérés comme dangereux. « Si l’on veut se rendre dans un stade pour assister à un match de foot avec un couteau de cuisine ou une batte de baseball, on parle alors de port non justifié et l’objet sera saisi », illustre Tomasz Funck.


Concernant les couteaux, le spécialiste met en garde les personnes qui seraient tentées d’en utiliser pour se défendre : « Il ne faut jamais sortir un couteau dans l’idée de se défendre. Ils peuvent se retourner contre la victime ou blesser mortellement l’agresseur ! »



Il est important d’adopter la bonne attitude, de se méfier des personnes que l’on ne connaît pas, d’être à l’écoute des moindres signaux d’alerte et d’anticiper autant que possible les situations qui pourraient dégénérer. Il ne s’agit pas de devenir paranoïaque, mais de faire preuve de prudence et de solidarité.



Cours d’autodéfense


L’offre de cours et de stages d’autodéfense est très vaste, s’appuyant sur diverses techniques et disciplines. « Il y a du bon à prendre partout », commente Tomasz Funck. « Ces formations peuvent apporter de bonnes compétences de base et donner confiance, mais il ne faut pas se surestimer et croire que l’on pourra vaincre n’importe quel adversaire. Là encore, on vous apprendra que la meilleure défense reste la fuite. »


« En conclusion, toutes les mesures de sécurité sont complémentaires et j’insiste sur l’importance d’adopter la bonne attitude, de se méfier des personnes que l’on ne connaît pas, d’être à l’écoute des moindres signaux d’alerte et d’anticiper autant que possible les situations qui pourraient dégénérer. Il ne s’agit pas de devenir paranoïaque, mais de faire preuve de prudence et de solidarité. » Merci à Tomasz Funck pour ses précieux conseils.



Illustration Rudzhan Nagiev | iStockPhoto


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