Lettre ouverte
À vous, société, parents, amis, collègues, proches,
Les violences que subissent tant de personnes ne se limitent pas aux coups, aux paroles destructrices ou aux abus sexuels. Elles s’étendent, souvent de manière insidieuse, à travers le silence de l’entourage, à travers votre gêne, vos doutes, vos remises en question face à nous, victimes, qui osons enfin parler.
« C’est pas possible, je n’arrive pas à y croire ! », « Peut-être as-tu mal interprété ce qui s’est passé ? », « Il faut passer à autre chose et oublier ! » Ces mots, que l’on entend bien trop souvent, sont une forme de violence en soi, une violence qui a un nom : la victimisation secondaire. Par ces mots, vous faites vaciller notre courage et renforcez la puissance des individus qui nous maltraitent. Vous ajoutez une douleur à la douleur initiale, celle des coups, des abus, des manipulations. Vous faites peser cette question terrible : est-ce que ça vaut la peine de dénoncer ?
Oui, dénoncer, c’est un chemin de croix. Une double peine. Non seulement il faut survivre à la violence elle-même, mais il faut encore endurer les regards sceptiques, les questions accusatrices, une procédure longue et éprouvante. Alors on ne sait pas quoi faire. On hésite. On se demande si on va y arriver. Si ça vaut le coup de nous battre alors que même nos proches semblent douter.
Amis, collègues, parents, frères et sœurs, dans votre besoin de confort, vous préférez parfois nier l’évidence. Parce qu’il est plus facile de croire que le monde est ordonné et que les gens sont ce qu’ils prétendent être. Que les violences, les abus dont on vous parle, ne sont qu’une exagération, un malentendu, un mauvais rêve.
Mais cette facilité, c’est le fardeau que vous imposez aux victimes. Car chaque fois que vous doutez, chaque fois que vous tournez la tête ou mettez en question notre vécu, vous nous laissez seules face à notre souffrance.
Société, proches, amis, nous avons le devoir de nous tenir aux côtés des victimes. Pas avec des questions qui sèment le doute, mais avec des actes de soutien. Ne détournons pas le regard. Écoutons. Croyons. Agissons. N’attendons pas que la souffrance soit trop grande, que la situation devienne irréversible. Soyons une voix de courage, et non un obstacle. Ce n’est qu’en prenant position que nous pourrons espérer mettre fin aux violences. Il est temps que la peur et la honte changent de camp.
Chloé, ancienne victime de violences sexuelles, créatrice du site www.victimepasseule.ch
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