top of page
iStock-1170974526_brun_clair.jpg

Lydia, 57 ans (VD)

Venue pour voir une personne de ma famille en études dans une grande ville italienne, je passe quelques jours dans une grande ville très touristique. Mon séjour arrivant à sa fin, à la faveur d’un dernier verre dans un bistrot, nous rencontrons quelques Américains habitant la ville depuis quelques mois. Je suis invitée à une fête chez eux le soir, je décide donc de prendre mon train de retour le lendemain plutôt que le soir même. La personne de ma famille chez qui j’étais me laisse en leur compagnie, après s’être assurée que j’étais bien sûre de vouloir rester encore sur place, elle a d’autres projets. J’étais une jeune femme alors dans la vingtaine, passablement sur mes gardes je crois, pas tête-brûlée pour un sou. Je me sentais en parfaite sécurité malgré le fait que tous étaient des mecs. Nous avons mangé, bu, passablement je dois dire, nous avons ri, chanté, déconné, et puis, étant bien sonnés de nos intoxications alcoolisées, nous sommes allés nous coucher. Les gars ont tous rejoint leur chambre respectives, et moi je me suis installée au salon, avec ce que l’on m'avait installé comme lit. Honnêtement, nous étions tous ivres car nous avions bu plus que de raison.

 

Je dormais profondément quand dans la nuit j’entends quelqu'un ouvrir la porte – qui était fermée à clé – et entrer au salon. Je me suis tout de suite alarmée, car j’ai un très fort instinct et je sens bien que cette personne n’est pas censée être là. Je peux le distinguer dans la pénombre grâce aux lumières de la ville de nuit qui entrent par les fenêtres nues. Grand, costaud, blond, il m’observe et sans hésiter me saisit, déshabille le bas de mon corps, et me viole. Je suis tellement en colère et pourtant je me sens complètement impuissante à bouger normalement, je n’arrive même pas à crier pour appeler, car je suis comateuse de tout l’alcool que j’ai bu au cours de la soirée. J’ai failli vomir, j’ai essayé de lui envoyer des coups de pied, mon corps ne répondait plus. Il est parti ensuite très vite. Le temps de reprendre mes esprits, et de remettre en route mon corps, je suis allée dans la chambre de V., un des gars avec qui j’avais le plus échangé et que je jugeais digne de confiance. Je lui ai demandé si je pouvais dormir à côté de lui, et je me souviens lui avoir raconté ce qui s’était passé. Il m’a rassurée et dit qu’il allait m’aider à le retrouver. Je me suis sentie en sécurité, me suis forcée à dormir, ce que malgré ma fatigue je n’ai pas réussi à faire, sauf aux premières heures du matin.

 

Le lendemain, j’avais récupéré de ce trop-plein d'alcool, aidée par ma colère, qui s’était muée en rage. Les gars étaient absents pour la journée, j’ai attendu leur retour pour qu’ils m’aident à le retrouver. V. m'a dit qu’il m’accompagnerait pour porter plainte. À quoi bon ? Il s'est avéré qu’aucun d’eux ne le connaissait, ni par des connaissances communes. L’appartement avait été loué avant eux par d’autres Américains et peut-être que l’un d’eux avait fait faire un double de la clé. Où chercher ? Avec quels moyens ? Je n’avais plus beaucoup de thunes, ne parlais pas italien, la personne de ma famille qui était là avait visiblement d’autres choses à faire que de se préoccuper de mon histoire...

 

Il était clair pour moi que si j’avais retrouvé cette ordure, je n’aurais pas appelé la Police, j’aurais fait justice moi-même : une barre de dynamite enfoncée là où le soleil ne luit pas, et allumer la mèche. Peut-être aurais-je éteint la mèche avant explosion. Peut-être pas.

 

Rétrospectivement, ce salopard a eu de la chance que je ne le retrouve pas, je l’aurais démoli. Chacun·e réagit différemment. Ma façon à moi, c’est de riposter immédiatement quand on m’attaque, physiquement ou verbalement. Ne pas avoir été en mesure de réagir a été une révélation pour le futur, je me mets toujours en position de force maintenant, je me place dans des endroits où je ne suis pas coincée, où je peux atteindre la sortie facilement, je ne suis plus jamais alcoolisée de cette façon, j’ai ajusté pas mal de choses dans ma vie suite à cela. La colère est un moteur puissant, qui a aussi sauvé ma sanité d’esprit. Je n’ai pas pleuré sur mon sort, mais j’ai dû transformer ma rage impérativement pour ne pas qu’elle prenne le dessus.

 

Quelques mois plus tard, j’en ai parlé à des proches. J’avais l'impression désagréable que peu parmi eux me croyaient et qu’ils étaient gênés que j’en parle... chut, il faut garder ça secret ! Je n’ai jamais eu honte, pourquoi aurais-je eu honte ? Je n’étais pas l’agresseur, mais l’agressée. La lumière fait fuir les vampires. Ne jamais hésiter à témoigner. Pour que d’autres personnes agressées ou violentées, physiquement ou psychologiquement, puissent savoir qu’elles ne sont pas seules, que l’on doit mettre un terme à la violence. Pour qu’impérativement on mette en route une culture pacifique de la relation entre humains, apprendre comment vivre ensemble. J’emmerde Marignan-gnan et les dates stupides des batailles dont on nous rebat les oreilles à l’école ! Nous devrions plutôt apprendre aux enfants à se respecter et à vivre en paix.

Mars 2022

bottom of page