
Iness, 37 ans (NE)
J’ai vécu un viol il y a une quinzaine d’années. J’avais 19 ans je crois. Un homme plus âgé, d’environ 10 ans de plus que moi, m’a invitée à une fête. Je ne m’y sentais pas à l’aise, tout le monde était plus âgé et moi j’étais timide. Il m’a alors proposé de rentrer et a commandé un taxi. Arrivé devant chez lui, il m’a proposé de monter dans son appartement pour boire un verre. J’ai accepté. Une fois sur son canapé, nous nous sommes embrassés. C’était un baiser très froid de ma part, pas investi. Je ne savais pas trop ce qu’il se passait, comment je devais réagir, si j’en avais envie. J’étais très timide et ne parlais pas beaucoup. Il m’a demandé d’aller dans sa chambre. J’ai répondu que je ne voulais pas. Alors il a insisté. J’ai encore refusé et il a continué d’insister et j’ai fini par dire « d’accord ». Il m’a alors conduite dans sa chambre puis déshabillée. C’était comme si j’étais une poupée. Je ne participais pas à ce qui était en train de se dérouler. Je me suis laissé faire. Il a ensuite eu un rapport sexuel avec moi qui suis restée inerte, il allait et venait, faisait son affaire sans se préoccuper de moi. Je me suis mise à pleurer silencieusement. Il ne s’en est pas rendu compte. Presque aucune parole échangée. Il a fait son affaire puis s’est endormi. Je suis restée là jusqu’au matin. Puis j’ai mis 30 minutes à sortir de ce lit car je ne voulais pas le réveiller, de peur que ça recommence, de peur de ne pas réussir à dire non. Je suis sortie de là me sentant horriblement sale et me jurant que je rangeais cette expérience aux oubliettes.
Longtemps j’ai pensé que cet événement était le fruit de choix de merde. Que je m’étais mise dans ce pétrin toute seule. Puis ce n’était pas si grave, j’avais survécu, c’était loin. Ce n’est que 15 ans plus tard, en lisant une BD sur le consentement, que j’ai compris que le problème ne venait pas de moi. Alors a débuté un processus, très long. Une relecture de ma vie et de mes comportements (troubles anxieux, hypersexualité, mise en danger) qui prennent tout à coup un sens nouveau.
Je n’ose pas intenter quoi que ce soit en justice. C’est si vieux et j’ai trop peur de la réaction de cet homme qui habite encore la même ville que moi. J’ai aussi peur qu’on ne me croie pas ou que l’on considère que c’est ma faute ou que ce n’est pas si grave. J’ai moi-même encore de la peine à utiliser le terme de « viol ». J’ai alors entrepris d’écrire une lettre anonyme à cette personne, une manière de lui rendre ce qu’il m’a fait et de le mettre face à ses agissements. Malheureusement, je ne trouve pas son adresse. Donc la lettre reste pour l’instant dans mes tiroirs. Par contre, depuis que j’ai fait cela, mon hypersexualité s’est transformée hyposexualité. J’ai des émotions, des sensations qui reviennent au moment des rapports, j’ai envie de frapper mon compagnon qui lui est adorable, très à l’écoute et ne fait rien de mal. Ces émotions sont en train de passer mais j’ai encore beaucoup de sensations de malaise dans l’intimité qui rendent nos rapports sexuels compliqués.
Je ne regrette pas d’avoir pris ce chemin même s’il est difficile à arpenter, c’est aussi une libération progressive. J’avais besoin de le partager quelque part, je crois que ça fait partie de mon processus alors merci à cette plateforme de rendre cela possible. Merci à toustes pour vos témoignages. Je vous souhaite la force et la tendresse.
Janvier2025