Clara, 35 ans (VD)
J’avais 20 ans quand je me suis mise en couple avec cet homme du même âge. Tout est allé très vite et nous emménageons ensemble rapidement. Au bout de 4 mois de relation, je m’aperçois qu’il me trompe et lui mets la preuve sous les yeux. Je reçois la première baffe. S’ensuit une escalade de violences psychologiques et physiques (griffures, morsures, coup de pieds/poings et j’en passe). Si bien que j’ai le réflexe de me mettre en position de fœtus et protéger ma tête dès qu’il commence à s’énerver.
Il y a aussi les viols (lui seul ou ses « amis »). J’ai fini par développer des migraines ; il s'amusait à me hurler dans les oreilles (littéralement). Il me coupe petit à petit de ma famille et amis, mais pas des siens. À l’époque, nous sommes sans travail ; je suis H24 avec mon bourreau. Quand je trouve des stages, il m’attend à la sortie et fouille mon téléphone. M’empêche de m’y rendre.
Certaines personnes autour de nous remarquent mes blessures, certains posent des questions. Je réponds toujours que c’est moi qui me suis cognée ou un des chats qui m’a griffée. À la longue, plus personne ne pose de questions. J’ai 22 ans et je vois à la TV les témoignages de victimes ou, pire, de leurs parents car elles ne sont plus là pour pouvoir témoigner, mais je ne m’y identifie pas, car aucune n’a mon âge. En plus des migraines, je développe des crises d’angoisse terribles qui me font souvent finir aux urgences psy.
Un soir, il me séquestre dans notre appartement. M’enlève toute possibilité de téléphoner et me menace avec une arme blanche. Il arrive à me « choper » et m'étrangle… Je suis dorénavant une victime de tentative de meurtre. Plus tard, il me laissera téléphoner. J’appelle la police et ma mère. Lui la sienne. Quand la police arrive, ils m’isolent dans une pièce, ma mère dans une autre. Lui est avec sa mère dans une autre (je ne comprends pas, c’est moi la victime, c’est moi qui ai besoin de ma mère vers moi, mais c’est moi qui suis seule). Cette nuit là, je « dormirai » dans ma chambre, lui dans celle d’amis, dans le même appartement… La police m’a effectivement donné une formulaire sur la LAVI et fait un signalement ce soir là. Ni plus, ni moins.
Plusieurs semaines plus tard – ma mère m'a sortie de cet enfer entre temps – nous sommes convoqués devant le juge (ce n’est peut-être pas un juge, c’est assez brouillon dans mon cerveau, mais même date et heures à quelques minutes d’intervalle). Je le croise et nous parlons. Je ne porterai jamais plainte.
Durant ces 2 ans, jamais il ne s’excusera comme certains le font. Pour lui, c’est de ma faute s’il me frappe. 15 ans plus tard, après une très longue thérapie, je n’ai pas oublié, mais j’ai appris à vivre avec et n’ai plus peur. Je me suis mariée et j’ai eu des enfants. Je n’ai plus jamais eu ni migraines, ni crises d’angoisse…
Juillet 2023